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Chroniques de guerre
16 décembre 2013

page 2 Bataille de chars à Dompaire [1] En fuyant

page 2

 

 

Bataille de chars à Dompaire [1]

 

En fuyant Vittel, les Allemands laissent un brasier de leurs documents à l’Hôtel de ville. Avant qu’il ne brûle, le journal des liaisons téléphoniques, entre la 112ième Panzer Brigade et son PC,  est récupéré[2]. Ce document donne la position de 97 chars et de Panzer Grenadiers qui se dirigent vers Dompaire. La plus grande bataille de chars de la Libération, entre deux grandes formations blindées, est annoncée.

Les combats se déroulent les 12 et 13 septembre 1944 sur un plateau, entrecoupé de collines et vallées, dans un quadrilatère de 5 km entre les localités de Dompaire, Damas, Ville-sur-Illon et Bègnecourt. La vallée de la Gitte, où se trouve Dompaire, a été choisie par l’État-major allemand pour acheminer de nombreux chars lourds et unités d’accompagnement, entre Epinal et Mirecourt. Elle va constituer le lieu principal de  la bataille.

 

Un rapport de force déséquilibré

Le déséquilibre des forces entre Allemand et Français est grand. Côté Français le Sous-groupement Massu est équipé de :

-         14 Sherman avec canon de 75, 1 Sherman  avec canon de 76 ,

-         3 tanks destroyer avec canon 76,

-         3 mortiers de 81,

-         3 Halfs tracts à mitrailleuses lourdes,

-         2 Compagnies d’Infanterie,

-         6 canons anti – chars de 57,

-         6 automoteurs de 105.

Le Sous–groupement Minjonnet est équipé de :

-         15 Sherman de 75, 1 Sherman de 76,

-         4 TD de 76,

-         1 auto-mitrailleuse de 37,

-         1 Compagnie d’Infanterie,

-         4 canons anti-chars.

Le PC du G.T. L.  est équipé de :

-         15 Sherman de 75, 1 Sherman de 76, 5 chars légers de 37,

-         4 TD de 76,

-         1 auto mitrailleuse de 37,

-         1 Compagnie de génie,

-         2 canons anti chars. 

Côté Allemand, il est toujours difficile, plus de 70 ans après, d’établir le nombre précis[3] des matériels et des hommes en présence. Les estimations des moyens de la 112ièmebrigade  sont :

-         90 Mark IV avec canons de 75

-         20 canons d’assaut / obusiers de 75

-         6 canons anti chars dont 3 de 88

-         3 canons tractés de 105

-         2 obusiers de 150

-         2 bataillons de Panzer grenadier soit 600 à 800 hommes. 

Les Allemands disposent de plus de blindés, plus puissamment armés. Le blindage de leurs chars est  plus épais. L’artillerie est plutôt en faveur du G.T.L. Au niveau de l’échelon d’attaque, le G.T.L. est largement surclassé : il s’annonce en réalité, une confrontation entre 29 chars contre 90. Leclerc mesure très vite l’ampleur de la contre–attaque allemande. 

 

Leclerc modifie les plans d’attaque

L’engagement prévisible entre deux forces inégales conduit aussitôt Leclerc à demander l’aide aérienne. Le 15ième  CA US mettra à la disposition de la 2ième  D.B.,  le Colonel Tower de l’US AIR FORCE. Sa présence au sein du GTL,  assurera la liaison avec la Tactical Air force, située à Rennes.

Disposant de plus en plus de renseignements, Leclerc apprécie judicieusement que le danger s’est déplacé et que la contre-attaque en provenance d’Epinal met en péril le sous groupement Massu, en pointe sur Dompaire. Alors que le 12 septembre matin, Minjonnet se prépare à attaquer St Remimont, pendant que Massu attaque Vittel, Leclerc transmet un  contre ordre au  PC à 9 heures 30. Leclerc décide de modifier ce plan initial en détournant le Sous-groupement Minjonnet au sud de Vittel, de façon à contrecarrer les offensives qui viendraient du flanc droit de Massu. Cette modification est révélatrice de la tactique Leclerc.

 

Premiers engagements au carrefour de la D18 et la N429

À 11 heures, le Sous–groupement part d’Auzainviller sur le nouvel itinéraire [4] défini, jusqu’au Thuillères. Le 4ième Escadron de Chars du 12 R.C.A. commandé par le Lieutenant Baillou est à l’avant garde du Sous-groupement.

En arrivant en vue de Dombrot-le-sec, la colonne est attaquée par mégarde par l’aviation alliée. Le char « Guyenne » est touché, le radiateur percé. Le Chef Brissé est gravement blessé et évacué. A Provenchères, un autre char, « le Soule », reste en panne d’embrayage. L’Escadron a pour mission de se rendre au carrefour entre D18 et N429 pour surprendre les Allemands qui voudraient s’échapper de Vittel ou d’y rentrer. Sur la D18, un Peloton d’éclaireurs signale la présence des deux chars Panther au carrefour, fermant ainsi la route de Dompaire.

Le lieutenant Baillou, commandant le 4ième Escadron fait déployer, à droite et à gauche de la D18, 6 chars des  Peloton[5] du Sous–lieutenant Vaultrin et de l’Aspirant Dufour. Les coups partent. Un des Panther tente de se replier sur Hareville. A  50 m du carrefour, il est touché à mort par « le Périgord » du chef Queffelec. Le 2ième Char file vers le bois. Pendant ce temps, le char « Aunis » a reçu un 75 de rupture. Le chasseur Marcel Boileau, conducteur du char, rend compte au Chef Garcia que tous les hommes de la tourelle sont morts : le Maréchal des Logis Katz de Warrens, les Brigadiers Beaugez et Rotz.

Vers 16 heures, Le carrefour est libre pour Massu qui arrive de Vittel. Le 4ième Escadron, suivi de l’ensemble des éléments du Sous-groupement, prennent la route jusqu’à Damas, vide de troupes allemandes combattantes. Le GTL doit se préoccuper du problème de carburant. Le Capitaine de Courson ( 12ième R.C.A.) qui commande le 4ième bureau du G.T. L. part en mission auprès des Train du Groupement en direction de Vittel. Sa jeep saute sur une mine. Gisant à terre commotionné, il est achevé d’une rafale de mitraillette par l’ennemi. 

 

Face à une demi brigade de Panther à l’entrée de Dompaire

Massu s’engage à toute vitesse sur Dompaire, par Valleroy–le–sec, Valfroicourt et Bainville–aux–Saules. En tête se trouvent :

-         la Section de reconnaissance du II/R.M.T.[6]  du Lieutenant Sorret ,

-         le 1ier et le 3ieme Peloton du Lieutenant Douboster et de l’Adjudant-chef Titeux , du 2ième Escadron de Chars ( 12 R.C.A. ), commandé par le Capitaine Coupé.

-         les Tanks Destroyers Sirocco et Simoun du Peloton de l’Enseigne de Vaisseau Durville ( R.B.F.M. ) .

-         de l’infanterie avec la Compagnie d’accompagnement du Capitaine Eggenspiller,  la 5ieme Cie  du Capitaine Rogier et la 7ieme Cie du  Capitaine Ivanoff.

À 17 heures 30, le Sous–groupement ignore encore qu’une demie Brigade de Panther, en provenance d’Epinal, pénètre à Dompaire dans un « fracas des moteurs et chenilles ». Dompaire est une ville importante pour l’État major allemand, en tant que protection avancée d’Epinal.

Arrivant au carrefour des routes de Vittel et Mirecourt, les Panther sont orientés sur les deux directions de Laviéville et Bègnecourt. Vers 18H 40, les éléments de reconnaissance ennemie se trouvent face à face avec les premiers éléments de la colonne d’attaque de Massu. Une moto et une voiture manque de se télescoper, tant la surprise est grande. Le GTL a progressé si vite que l’ennemi pense que la colonne se trouve encore à 30 km.

Un nombre impressionnant de chars allemands se mettent rapidement en position de chaque côté de la D 28, alors que les anti chars le sont déjà. A la cote 327, les chars de tête du 3ième Peloton Titeux ( 2ième Escadron/ 12 R.C.A. ), le "Camargue", le "Corse" et l’"Esterel" et le "Provence" sont pris à partie par les Panther et les canons installés et, certains, embusqués à gauche de la route. Le "Provence" atteint, se retrouve déchenillé. Les autres chars se déploient pour chercher des emplacements moins exposés. L’un des chars de Titeux réussit à détruire le canon.

Les allemands bloquent l’entrée de Dompaire. Un grand nombre de chars allemands se profilent au loin, presque à se toucher. Ils évoluent par groupe de 3. L’Enseigne de Vaisseau Durville place ses deux Tank Destroyers derrière une crête. 3 Panther, partant de la D 28 se dirigent vers les hauteurs boisées des lieux–dits « les Quarres » et la « Palotte ». Ils sont pris à partie par les Sherman des Pelotons Titeux et Douboster. Un autre char ennemi, camouflé, est pris dans le viseur du tireur du Tank Destroyer "Simoun": une épaisse fumée noire et jaune immobilise le Panther. Son équipage abandonne sous les tirs des mitrailleuses.

Ce premier char ennemi détruit est le IN2, le char de l’Officier qui commande la brigade, spécialement équipé en appareils de radio pour avoir des liaisons avec son unité et les échelons supérieurs. La situation d’attaque est impressionnante. Jacques Salbaing écrit :

« Des cliquetis de chenilles se font entendre et des masses sombres pareil à des buissons apparaissent, se déplaçant lentement. Puis soudain, des tubes de canons se dévoilent, bien que presqu’invisibles dans la demie obscurité, alors que le Sous–groupement est une cible bien éclairée par la lueur des incendies ».

Chars et obusiers déclenchent leurs tirs mais dans l’affolement général manquent d’efficacité. Le « Corse » tire deux obus qui ricochent sur le blindage d’un Panther qui s’empresse de disparaître. La brigade semble s’avancer vers Laviéville. Cependant, d’autres Panther commencent à gravir les pentes au sud – ouest de Dompaire pour s’installer de part et d’autre de la D 28.

Il est difficile de savoir si ces blindés se mettent en affût ou cherchent à se placer sur la partie la plus haute et la plus favorable. La manœuvre est ralentie, lors du passage des chars dans un bocager. La progression des éléments du Sous–groupement Massu est plus rapide, ce qui lui permet d’atteindre les crêtes avant eux et de contrôler ainsi les sorties Sud et Est de Dompaire.

Il est alors 21 h – 21h 30. Il fait nuit. Jacques Salbaing se rappelle du « vacarme assourdissant d’explosions, de tirs de toutes armes et de tous côtés ». Les coups sont imprécis. Un Half Track est incendié, tuant Laurent Luciani, Emile Farrugia, et Paul Stefani. Les premiers affrontements de blindés montrent que les Panther sont indestructibles à plusieurs centaines de mètres, en tir direct.

Devant l’ouragan de feu, et pour éviter des pertes lourdes à l’infanterie, Massu les fait replier avec les véhicules légers vers les collines boisées où le 2ièmeéchelon de combat les attend. Il ne conserve avec lui que les chars du 2ième Escadron, les TD, le "Mistral" et les obusiers du Lieutenant Podeur. Le « Simoun » et le « Mistral » aperçoivent 6 silhouettes mais les tirs n’atteignent pas les cibles.  

Massu fait déclencher un tir de fumigène par les « lances patates » du Lieutenant Podeur, afin de protéger le 3ième Peloton de Chars ( Titeux ) qui se trouve à découvert. Les patates contiennent du phosphore. L’Adjudant–chef Titeux est brûlé dans le dos et la nuque. Malgré ses blessures « Gustave » tient le coup et reste à la tête de son Peloton. Le Peloton Douboster, reçoit également des coups. Le réservoir de son char, le « Morvan » est atteint. Le Lieutenant est blessé une première fois puis une seconde fois. Il est évacué. Tout le reste de l’équipage réussit à évacuer le « Morvan »  qui brûle, et à rejoindre la base de repli.

Douboster est remplacé par l’Aspirant Lunardini. De son côté, le « Corse » du Peloton Titeux, aperçoit 3 Panther qui quittent Dompaire par la sortie sud. Avant d’avoir le temps de réagir, il est atteint par deux obus. Le chef de char et le tireur sont blessés, tandis que le chargeur arrive à éteindre l’incendie du moteur. Le moteur du « Corse » sera remplacé par un moteur neuf, durant la nuit, grâce aux mécanos du 12ièmeR.C.A.. « L’Esterel » réussit à enflammer, en 3 coups de canons, un Panther. Le « Languedoc » est touché, l’équipage maîtrise l’incendie.

 

Nuit d’attente angoissante

La nuit du 12 au 13 est une nuit d’attente, d’incertitude et d’angoisse pour tout le monde. L’artillerie du G.T .L. pilonne systématiquement les sorties de Dompaire, de façon à dissuader l’ennemi d’entreprendre une offensive nocturne. Malgré l’obscurité, il est impossible de dormir.

Le sentiment d’insécurité est d’autant plus grand que dans le silence de la nuit, déchiré de temps en temps par les tirs d’artillerie, on entend le cliquetis des chars ennemis. Le commandement allemand met en place ses chars pour les lancer à l’attaque, au lever du jour, à partir de Lamerey et Madonne. Il s’agit de gravir les pentes et prendre à revers le groupement qui attaquait sur l’axe de la D 28.  

 

Plan d’attaque : pièger les Panther dans le couloir de la Gitte

Pour le 13 septembre, le plan est simple, du moins sur le papier :  prendre l’ennemi dans une nasse et enfermer les blindés dans le couloir de la Gitte. Pour cela, Massu devra bloquer toute échappée en direction de Mirecourt. Minjonnet devra empêcher toute échappée en direction d’Epinal.

Le capitaine Langlois de la 6ième CIE doit réoccuper Damas évacué la veille, établir avec Baillou un bouchon sur la N166 Dompaire Epinal, interdire tout blindé de s’échapper de Dompaire ou d’arriver d’Epinal. Le piège sera fermé. Pendant ce temps, l’aviation se chargera de la mise à mort des chars ennemis, pris au piège.

 

Attaque de l’infanterie en direction de Laviéville.

Le 13 septembre, Massu installe son PC sur « les Hauts de Bexey » et lance une attaque en direction de Laviéville. Il confie cette mission au Capitaine Rogier commandant la 5ième CIE / II R.M.T.,  avec le renfort d’une partie de la Compagnie du Capitaine Eggenspiller et les 5 Shermann du Peloton Rives- Henry (12ième R.C.A.).

Le débordement démarre vers les 6 heures 30, précédé d’un tir puissant d’artillerie. En tête, la Section du Lieutenant Berne. Parallèlement, il demande au capitaine Ivanoff ( 7ième Cie ) de fixer l’ennemi le long de la D 28. C’est la 1ier Section Guignon qui y est engagée.

La Section du Lieutenant Berne entre dans Laviéville, accueillie par une population enthousiaste. Certains habitants prennent le temps de préparer des plats chauds avant de suivre les conseils des marsouins de se mettre à l’abri. De son côté, le Lieutenant Guignon a été pris à partie par les armes automatiques, bien camouflées et enterrés, s’acharnant sur tout ce qui bouge. Au cours des engagements le lieutenant Guignon, les Sergents–chefs Gollat et Rochereuil ainsi que 4 soldats de la Section sont tués, 10 autres sont blessés.

 

L’appui de la 19ième Tactical Air Force

Vers 8 heures, le colonel américain Tower, buste hors de sa tourelle, écouteurs dans les oreilles et le micro aux lèvres essaie désespérément d’accrocher la formation aérienne qui lui a été promise. Massu lui tend la carte, mise au point à chaque instant grâce aux renseignements que lui communique par radio le capitaine Rogier. 

Enfin 4 chasseurs chargés d’escorter des bombardiers viennent accomplir cette mission d’attaque au sol. Après un premier passage pour repérer les cibles, les aviateurs attaquent à la queue – leu – leu les chars ennemis à la rocket, à la bombe et à la mitrailleuse, « dans des plongeons et piqués impressionnant, suivis de rétablissements étourdissants et vertigineux, malgré la brume ».

Les aviateurs incendient 8 chars. Vers 11 heures, survient la deuxième vague aérienne, composée de 6 Thunderbolts du 406ième groupe de la 19ièmeTactical Air Force. Le soleil brille et les cibles sont visibles. Les témoins civils dans les villages expliqueront comment cette deuxième intervention a ébranlé le moral des soldats allemands.

 

La prise  de Damas

Au lever du jour, le bivouac[7] de Minjonnet est bombardé par des obus tirés de Dompaire. Il y a 2 tués et 2 blesses au 4ième Escadron de Baillou. Le Sous–groupement Minjonnet se trouve assez dépourvu de canons et de chars. Le 4ième Escadron est réduit à 7 chars[8], au lieu de 17. La 2ième batterie du 40ième  R.A.N.A est réduite à 5 tubes au lieu de 6.  A 8 h, la 6ième  Cie de Langlois  avec la 2ième section en tête du Sous–lieutenant Larsen attaque Damas. Ils bénéficient de l’appui du Peloton de Chars Vaultrin ( 4ième Escadron/12 R.C.A.).

L’engagement se termine à 10 heures et le village est nettoyé. Continuant sa progression vers le carrefour D39 / N166, la 2ième Section se heurte à une forte résistance. Le Sous–lieutenant Larsen est tué d’une balle en pleine tête. Dans le même temps, l’Enseigne de Vaisseau Allongue (RBFM) a entamé sa montée vers la crête, avec ses 4 Tank Destroyers. La jeep de reconnaissance qui le précède, repère un Panther, avançant à l’attaque, à 1000 m[9].

Le « Tempête » et « l’Orage » se positionnent. Le « Tempête » déclenche trois tirs sur un Panther qui font mouche. Une vague de chars et infanterie allemande surgit alors des vergers, commencent à gravir la pente en faisant feu de toutes armes. « L’Orage » prend le relai et l’artillerie se porte à l’aide des TD. Des salves de 5 pièces de 105 mm se succèdent à cadence maximum  sur les assaillants. 250 obus sont tirés.

Le commandement allemand ordonne le recul. Pendant que les marins gravissent la pente, les équipages des chars du 4ième Escadron ( 12 R.C.A. ) accueillent avec soulagement les GMC qui viennent enfin leur apporter les jerricans de carburant.

Vers 9 heures, une salve d’obus s’abat alors sur le Peloton Dufour, le jetant à terre, sans mal. Un des obus atteint le "Sancerrois", tuant le chef Fernand et le chasseur Garnichat, blessant les chasseurs Kuntz et Altenberger. Ces tirs semblent provenir des auto- moteurs installés dans Dompaire. Ils seront détruits dans la journée par l’aviation.

L’aspirant Dufour, sur son char "Armagnac II",  se dirige vers Damas et se place à l’abri d’une ferme le long de la route de Dompaire, pour disposer d’un assez vaste champ de tir. Dès que les vrombissements venant du ciel cessent, les blindés ennemis sortent de leur cachette pour tenter de sortir des mailles du filet. La fuite plein sud, vers la cote 380, leur semblent envisageable.

Alors qu’une partie de l’équipage de « l’Armagnac II » se réconforte avec une omelette préparé par le propriétaire de la ferme voisine, un Panther se présente à 1500 m. « L’Armagnac II » tire au moins 70 obus de rupture mais lorsqu’ils arrivent au but, ils ricochent pour les 3 / 4 d’entre eux sur un blindage très efficace.  Cependant, en moins de 15 minutes, l’équipage[10] détruit  2 Panther, pourtant nettement plus puissamment armés et protégés. Vers 11h, 10 chars sont signalés entre Dompaire et Damas. Ils seront attaqués et détruits  par l’Air Support. Trois, parmi les restants, sont détruits par le Peloton Cheysson[11].

 

Nouvelle intervention de l’US AIR FORCE

Vers 15 heures 30, c’est la troisième intervention aérienne. En piqués, les 6 Thunderbolts attaquent les blindés qui se sont concentrés du côté de Lamerey et Madone. Un des avions effectuant un passage bas ne pourra pas se redresser et vient s’écraser dans un bosquet sur la colline au lieu dit le Moyen–Pré. Le pilote Américain s’en tire indemne et sera récupéré par un groupe de la section Berne.

En regroupant la plus grande partie des chars restant vers Madonne et Lamerey, les Allemands ont, peut–être, imaginés que les alliés hésiteraient à attaquer de peur d’atteindre la population civile. Il n’en est rien. 7 maisons furent incendiées au cours de l’attaque de l’aviation, aucun civil n’est tué.  

 

Le verrouillage du couloir de la Gitte

Vers 16 heures, alors que les avions sont à peine partis, 2 Panther sortent de Lamerey. Les Sherman du Peloton Rives-Henrys ( 12ième R.C.A. ) font immédiatement feu. Le premier, atteint à la tourelle, s’embrase. Tandis que le second est abandonné par son équipage. Un 3ième  Panther se trouvant dans le viseur du "Mistral", est tiré en trois coups, à une distance de 1600 m. Le char disparaît dans une épaisse fumée noire. 3 autres Panther, accompagnés de fantassins, s’avancent à vive allure. Le "Mistral" envoit un premier obus qui immobilise le Panther de tête. Les 2 autres disparaissent avec les fantassins. 

Un deuxième Peloton de 3 chars s’avance, avec des grenadiers. Le "Mistral" tire et touche le Panther du milieu qui recule dans le ravin. Vers 18 h 30, alors que 3 nouveaux Panther s’avancent à Lamerey, Durville fait avancer le "Sirocco" qui tire aussitôt. Les coups touchent mortellement les 2 premiers chars touchés. Les obus tapent le troisième mais ne parviennent pas à le perforer. Un autre Panther envoie deux obus qui  sifflent dans les oreilles et viennent s’écraser dans le mur du cimetière.

Ce sont les derniers soubresauts de la Panzer Brigade, totalement emprisonné dans la nasse. L’engagement a duré 15 minutes. Le "Sirocco" vient d’inscrire le neuvième Panther à son bilan. Le "Mistral" a, de son côté, éliminé 6 chars. Des témoignages font état d’Officiers allemands qui se suicident, plutôt que de survivre à une telle défaite. Tout est désormais verrouillé dans le secteur de Dompaire et Damas.

 

Menace d’une seconde demi-brigade de Panzer sur le PC de Langlade

Vers 13h 30, au PC de Ville–sur–Illon, alors que tout le monde se restaure, le Colonel de Langlade est informé par la préposée des PTT, Mme Jeanne Villeminot, qu’elle vient de recevoir un appel de Mme Jules Larose, lui disant que la localité de Pierrefitte grouille de chars et de fantassins. Une très importante colonne, celle de la deuxième ½ Brigade de la 112ième  Panzer Brigade, se présente devant le passage à niveau sur la D6 dans un grand bruit de chenille. Il y a 45 Mark IV et un Bataillon de Panzer Grenadiers. Elle progresse vers Ville-sur-Illon.

Pour franchir le passage à niveau, chars et véhicules doivent passer l’un après l’autre, ce qui, pour une centaine de véhicule, va demander beaucoup de temps. En attendant, des fantassins envahissent le café de la gare que tiennent Monsieur et Madame Fayon. Ils font main basse sur le kirsch distillé la veille. Beaucoup des fantassins s’écroulent sur le bas côté de la route pour cuver la boisson. Jacques Salbaing explique que cet incident l’infanterie va sans doute entamer « l’agressivité de soldats devenant  incapables  de gagner l’affrontement qui l’oppose à une force infiniment plus faible, mais bien plus déterminée ».

La menace se rapproche. Une première salve explose près du couvent de Ville-sur-Illon, où se trouve le PC. Langlade fait installer un bouchon au champ de mars avec le char léger "Marc de Verdelon", un canon anti char et la compagnie FFI « Vaugirard ». De cet endroit, on dispose d’une bonne vue sur la D6.

Alors qu’ils sont au sud de Dompaire, 1/2 Peloton de TD ( Alongue ) et ½ Peloton de Sherman du  3ieme Escadrons du 12 R.C.A. sont appelés en renfort. En attendant cette mise en place, le bouchon du champ de mars voit arriver à l’avant garde des chars allemands une auto mitrailleuse et l’incendie. Les chars prennent à partie le bouchon. Le sergent chef d’Almassy, chef de pièce du canon, repéré après avoir tiré de nombreux obus, est tué ainsi que le Sapeur Saafi Saada. Leur pièce est détruite. L’Aspirant Françis Espiard et le soldat Jean-Pierre Richard de la Cie de Vaugirard sont tués à leur tour à leurs canons. Le Capitaine De Bort, commandant le 3ième Escadron de Char (12 R.C.A.), a désigné l’Aspirant Nouveau qui  prend position, avec ses 2 chars, le "Champagne" et le "Dunois" sur la crête au nord ouest du hameau de l’Etang, à la sortie sud–ouest de Ville-sur-Illon.

L’Aspirant Nouveau s’installe avec ses deux chars à proximité des maisons de l’Etang, à 50 m l’un de l’autre. Il est suivi par la 1iere section Sous-lieutenant Chollet de la 1ière Cie  (13ièmeGénie). Deux perforants atteignent le "Champagne", l’un perçant le réservoir, l’autre le barbotin. Le Char est ravagé par un incendie. Il est actuellement, encore et toujours, en place. 

Vers 14heures 30, le Commandant Verdier, Chef d’État-major du G.T.L., aperçoit les chars allemands se diriger vers le bois de Fontenaille. Il mesure alors le risque grave qu’encourt le Sous-groupement Minjonnet, d’être pris à revers. Il décide d’engager les dernières unités combattantes du G.T. L. en réserve ou situées à des endroits moins critiques. C’est ainsi qu’il est fait appel à nouveau au Capitaine de Bort pour renforcer les défenses maigres de Ville-sur-Illon. Ce dernier, avec son char le "Picardie", son Half track « Cassiopée » et sa jeep l’"Amance", roule à « tombeau ouvert » en direction du village.

Il passe au PC pour prendre les ordres et rejoint le Hameau de l’Etang. Le chef du 2ième Peloton du 2ieme Escadron, le Lieutenant de Montal, en bouchon avec le "Flandre", est gravement blessé par un obus, alors qu’il sort de sa tourelle. De Bort retrouve Nouveau sur la crête. Ils décèlent, tous deux, les chars allemands qui se rapprochent dangereusement de leur position par le bois de Fontenaille. Sur son ordre, le "Dunois" allume et détruit 2 mark IV. Les bois étant à 200 à 300 m, la situation devient très précaire. A leur secours, arrive en jeep le Lieutenant de vaisseau Richards, suivi de la moitié du Peloton de TD Allongue. Ce renfort permet une ligne de défense étroite composée :

-         Le Sherman "Picardie",

-          Le Sherman "Dunois", 

-         Le "Champagne" qui continuera de brûler, jusqu’à la fin de la journée.

-         Le TD "Orage"

-           La jeep de commandement du 4ieme Escadron du RBFM

-          Le TD "Tempête",

-           Les deux jeeps "Vigilante" et "Diligente".

La disproportion des forces en présence est énorme. D’un côté, un mince rideau de chars et quelques Chasseurs, Marins et Sapeurs, de l’autre, 45 Mark IV et un Bataillon de Panzer Grenadier.

À peine cette ligne mise en place, des Mark IV débouchent des lisières du bois de Fontenaille. Ils sont immédiatement pris à partie par le TD « Orage » qui parvient à détruire 2 chars, et le « Tempête » qui en détruit 1. Les Mark IV se retirent à l’abri du bois. La détermination des défenseurs détruisant 3 chars, semble avoir impressionné le Commandement allemand qui pense être confronté à une puissante position de défense, qu’il vaut mieux combattre avec de l’infanterie.

Une formation de Panzergrenadier avance en ordre de bataille vers la crête. La situation devient très critique, les TD n’étant plus qu’à 50 m des assaillants. Les TD détruisent encore deux chars puis un troisième. Il est 16 heures et l’on se demande comment ils peuvent tenir. Le Colonel Tower dirige 15 chasseurs bombardiers. Ceux- ci ont épuisé leurs rockets sur Dompaire. Alors, il leur reste plus qu’à  s’acharner sur le maximum d’ennemis,  à la mitrailleuse lourde.

Cette dernière intervention aérienne ne réduit pas la menace des fantassins, installés dans les bois de la Vierge et de la Folie. Le Sous–lieutenant Cholley et sa Section de Sapeur du Génie vient au secours des marins. Deux escouades s’avancent en ordre de bataille jusqu'à la murette du bois de la vierge. Dans un acte désespéré, les Sapeurs engagent sans hésitations le combat avec les Panzers grenadiers. Ils se lancent à l’assaut de l’Infanterie allemande, sous la protection des mitrailleuses et obus du "Tempête". Ils parviennent à repousser les attaquants hors du bois, tuant 5 Allemands.

Cette action coûtera la mort de Mamboud Hamdam et 4 blessés. Estimant que le PC va bientôt succomber aux assauts, le Colonel Langlade fait évacuer Ville-sur-Illon pour le porter dans les bois à l’ouest de Dompaire. Le Capitaine de Bort prend en charge le décrochage vers 18 heures 15, sur la cote 344. A 20 heures, une trentaine de Mark IV entrent à Ville-sur-Illon, encadrés par des Fantassins qui tirent furieusement. Finalement, avertis par un habitant parlant allemand que « les Leclerc sont très nombreux », les allemands préfèrent faire demi-tour, abandonnant les engins détruits, leurs morts et leurs blessés.

La réussite de l’offensive aurait permis aux unités allemandes de prendre à revers le Sous-groupement Minjonnet, le PC du GTL mais aussi les troupes de Massu qui s’emparent de Dompaire.

 

Les allemands connaissent leur plus sévère défaite sur le front de l’Europe du Nord

Au cours de cette bataille, 3 à 400 allemands sont tués et prés de 1000 sont blessés. Le G.T.L. a 44 tués dont 6 Officiers : le Capitaine de Courson, le Sous-lieutenant Baillou de Masclary, le Lieutenant Gauffre, le Lieutenant Guignon, le Sous-lieutement Larsen et le Sous–lieutenant Espiard. Les Marsouins du R.M.T. ont la moitié des morts. Au plan matériel, le G.T. L. a perdu 5 chars moyens, 2 chars légers, 2 HT, 2 jeeps.

La 2ième D.B., avec le support de la 49ième  Tactictal US Air Force, a infligé à l’ennemi une perte de 59 chars dont 20 détruits par l’aviation, auxquels s’ajoutent 6 abandonnés. Il s’agit là d’une des plus sévères défaites enregistrées par les Allemands en une seule journée, sur le front de l’Europe du nord.


 



[1] Le récit que nous proposons est largement emprunté au témoignage que nous a livré Jacques Salbaing, participant de l’épopée, dans son ouvrage : « La victoire de Leclerc à Dompaire". Muller édition,1997.

[2] Fernand Jarreau, du 13ième Génie

[3] Jacques Sablaing  évoque un mur de silence Outre–rhin sur l’armement dont dispose la 112ieme Brigade 

[4] Bulgnéville, Suriauville, Dombrot–le sec, Viviers–le–Gras, Provenchères-les-Darney, St Baslemont, Thuilières.

[5] Chars "Périgord", "Aunis", "Angoumois", "Armagnac II", "Sancerrois", "Vendée"

[6] Régiment de Marche du Tchad

[7] Ville-sur-Illon

[8] Vaultrin : "Angoumois", "Périgord".  Dufour : "Vendée", "Armagnac II". Catala : "Béarn","Bigorre", "Médoc"

[9] Jacques Salbaing indique que les Allemands ont tenté de déboucher en force sur les pentes conduisant à la côte 380, soit pour prendre à revers le Sous–groupement Minjonnet, soit pour rejoindre le groupe sud de la PZ brigade devant occuper Ville-sur-iIlon

[10] Aspirant Dufour ( chef ), conducteur Brigadier Lion, aide conducteur Ruggieri, tireur Verbruggen, Radio Vélut

[11] Claude Cheysson deviendra dans les années 80, Ministre des Affaires Etrangères

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Commentaires
B
Je suis un neveu de Paul Stefani, décédé lors de la bataille de Dompaire. Il s'agissait d'un frère de ma mére. Il est enterré à Vittel.<br /> <br /> Hier, le 13 septembre, soixante-dixième anniversaire de son décès (le lendemain donc de l'attaque qu'il avait subie, comme je viens de l'apprendre sur ce site), j'ai essayé de trouver des informations sur le net. Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir pour moi la toute premiére narration des circonstances qui ont conduit à sa mor!. Grand merci à l'auteur de l'article. <br /> <br /> Paul Stefani n'avait que 20 ans lorsqu'il mourrut. Membre d'un famille d'origine corse (comme probablement, d'après leurs patronymes, ses 2 compagnons d'infortune), mais né à Tunis, et ayant résidé à Mégrine dans la banlieue de Tunis.<br /> <br /> Est-ce-que quelqu'un peut me transmettre d'autres informations concernant mon oncle, que je n'ai évidemment jamais connu?<br /> <br /> <br /> <br /> Mercredi dernier, je me trouvais à Berchtesgaden, à l'emplacement de l'ex nid d'aigle d'Hitler. Un centre de documentation sur le nazisme, très bien conçu, a été ouvert sur place, et il communique avec des galeries souterraines destinées initialement à assurer le fonctionnement et la survie de la cellule essentielle du système, en cas d'attaque. Heureusement, il n'a jamais pu vraiment assurer cette fonction. mais dans une des galeries, j'ai découvert un graffiti portant les initiales 2 DB et la date du 5 mai 1945. Je l'ai photographié; C'est le seul graffiti original (je pense), encore présent sur place. Je l'ai photographié, et le peux envoyer par courriel la photo, à qui en fera la demande;<br /> <br /> Merci encore à l'auteur de l'article.<br /> <br /> <br /> <br /> Paul Brun
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